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Dossier – Tony Marsh : « La priorité c’est les All Blacks »

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L’ancien international français Tony Marsh est revenu pour nous sur l’organisation de la formation néo-zélandaises.

Depuis quelques saisons les résultats du XV de France et le jeu pratiqué sur la scène internationale remettent en cause la formation française. La FFR est en train de mettre en place des mesures afin de préparer au mieux les jeunes joueurs au plus haut niveau. Si la fédération souhaite bien entendu préserver l’identité française dans le jeu, elle souhaite, aussi, s’inspirer de ce qu’il se fait ailleurs. Et dans le rugby ce qu’il se fait de mieux se situe en Nouvelle-Zélande. Originaire de la terre du long Nuage Blanc, Tony Marsh, nous en dit plus sur le fonctionnement du système de formation néo-zélandais.

Comment les enfants accèdent au rugby ?

Ça a un peu changé aujourd’hui mais quand j’étais jeune, il n’y avait que ça. C’était presque obligé d’aller vers le rugby. Déjà mon père y jouait, mais on voyait que ça à la télévision. C’était les All Blacks bien sûr, ils ont une histoire. La plupart du pays vit pour ça. Je pense que c’est comme le football au Brésil. On est un petit pays, si on existe dans le monde aujourd’hui c’est à travers le rugby. Quand les All Blacks jouent et que tu sors le soir, les bars sont complets avec des gens qui regardent le match. C’est le seul sport en Nouvelle-Zélande qui fait ça. C’est le seul truc qui réunit tout le pays.

« On jouait avant l’école, on jouait le midi et on jouait après l’école »

Le rugby commence aussi à l’école…

Déjà on a des terrains dans nos écoles donc on joue beaucoup. Je me souviens à l’époque on jouait avant l’école, on jouait le midi et on jouait après l’école. On en faisait tout le temps et même le week-end. Après on faisait tous les sports, quand j’étais jeune, j’étais au cricket, au rugby à touché, au foot, au rugby à XIII et la course à pied. On faisait tout cela à l’école pour moi c’est important parce que tu as un transfert de compétences.

A quel âge commence l’apprentissage des enfants dans les clubs ?

Dans les clubs ça commence à 5 ans, ils plaquent à partir de 6 ans et à partir de 11 ans ils vont dans les écoles. Nous avons une compétition qui s’appelle le First 15 et déjà, à cet âge, les matchs sont télévisés en Nouvelle-Zélande sur Sky Sports. Je suis allé voir quelques matchs et c’est déjà un très bon niveau. Il y a toutes les familles et les écoles qui viennent voir le match. Avant le match il y a 200 ou 300 personnes qui font le haka. Ils sont déjà dans des structures assez professionnelles avec des entraîneurs et des préparateurs physiques. L’autre truc c’est qu’à 14 ans ils savent tout faire, c’est dans leur ADN. Même moi je suis très étonné par le niveau.

 

Comment fonctionnent les catégories chez les enfants et les adolescents ?

On a les catégories d’âge comme en France et par poids aussi. Disons qu’un joueur trop lourd va monter dans la catégorie suivante. Autour de 10 ou 11 ans les équipes régionales font deux équipes. Une de moins de 45 kilos et une plus de 45 kilos. Jusqu’à six ans ils ne plaquent pas.

Comment est mise en place la philosophie de jeu néo-zélandaise ?

C’est sûr qu’ils vont privilégier le jeu à la main. Quand tu vois les équipes de Super Rugby, ils tapent peu en touche. Je pense qu’on va le voir de plus en plus. A 5 ans tu tapes pas de coup de pied, ça n’existe pas. Autour de dix ans ils commencent à intégrer le coup de pied. La différence avec la France c’est qu’on priorise moins la conquête. Il y a 15 ans ils avaient du mal avec ça, aujourd’hui c’est devenu une base du jeu. Les matchs du First 15 (championnat des jeunes de 16/17 ans, ndlr) sont basés sur le jeu. Les mecs ont envie de jouer, ils partent de leurs 22. Je me souviens de matchs où ils n’ont pas beaucoup tapé et beaucoup joué. Quand tu regardes le Super Rugby c’est ça, les All Blacks c’est ça aussi.

« Le cinq de devant sait tout faire »

Quelle importance a le développement musculaire dans la formation des jeunes ?

C’est très important, ici ce sont des athlètes. Quand tu regardes les All Blacks jouer, t’as l’impression qu’ils jouent tous au même poste et qu’ils peuvent tout faire. C’est ça qui m’impressionne. Le cinq de devant sait tout faire, conquête, maul, les plaquages puisque c’est eux qui sont tout près des regroupements. Les premières et deuxièmes lignes font des offload, ils peuvent faire des passes de 15-20 mètres. Je pense que c’est ça aussi qui fait la différence avec les autres équipes. Il n’y a pas une autre équipe qui est capable de faire ça. Quand tu regardes, le rugby est en train de changer depuis quelques années. Si tu veux pratiquer le jeu au large il faut que t’ai les athlètes pour le faire. C’est simple. Les entraînements sont beaucoup plus avancés par rapport à quand je jouais.

 Tony Marsh, Getty Images

Quelle est la relation entre les clubs et la fédération ?

Ici la fédération maîtrise tout. En France ce n’est pas la même chose. Chez nous tout le monde bosse dans le même sens, la priorité c’est les All Blacks. Il faut que ce soit eux qui gagnent, donc tout est fait pour que cela arrive. J’ai l’impression qu’en France on ne partage pas ce que l’on fait dans les clubs. Ici c’est le contraire, il te donne tout. Mais c’est normal on n’a pas le même championnat, ici c’est la fédération qui paye les joueurs. On n’a pas de montée et de descente.

« Comment  voulez-vous jouer comme ça, si vous ne vous entraînez jamais comme ça ? »

Quand tu reçois les joueurs/entraîneurs dans le cadre de Rugby Pro NZ, est-ce qu’il y a un choc des cultures ?

Ça dépend. Les mecs qui viennent pour un mois ça va. Mais pour ceux qui viennent une saison, oui c’est autre chose. Quand les gens viennent ici, ils pensent qu’on pratique un autre rugby, qu’on a d’autres entraînements. Ce qui fait la différence ce sont les détails. Il y a deux ans je parlais avec l’entraineur des Chiefs. Ils ont joué contre une équipe galloise un mardi soir. Il pleuvait, mais les gallois ont essayé de beaucoup jouer. Il est allé parler avec les joueurs gallois et il leur a dit : « Alors qu’est-ce que vous avez voulu faire pendant le match ? ». Les joueurs lui ont répondu qu’ils voulaient jouer comme une équipe de Super Rugby. Il leur a demandé s’ils s’entraînaient comme une équipe de Super Rugby en général. Les gallois ont répondu que non. Il leur a dit « Comment  voulez-vous jouer comme ça, si vous ne vous entraînez jamais comme ça ? ».

Chez les Chiefs, il faut au minimum que les joueurs touchent 60 fois le ballon par entrainement. Il font de nombreux ateliers de skills sous pression pour moins faire tomber le ballon en match. Les avants font des passes pendant les plaquages même s’ils sont sous pression. Quand on dit cela, ça parait simple mais derrière quand tu regardes l’équipe de France qui est venue en Juin c’était ça. Même s’ils ont rivalisé pendant 50 minutes et qu’ils ont fait des bonnes choses, ils ont fait fautes après fautes et à la fin cela fait beaucoup de points pour les All Blacks. 

A qui s’adresse Rugby Pro NZ ?

On a des programme pour les joueurs, pour les équipes, pour les entraîneurs. J’ai aussi envie de créer des partenariats avec les académies, les clubs pour qu’on ai un échange. Dans un premier temps je vais bosser dans ce sens là mais à plus long terme je vais bosser dans l’autre sens. Je pense qu’on a des choses à apprendre de la France.