En 2005, le plaquage cathédrale est encore autorisé mais un incident entre Brian O’Driscoll et Tana Umaga va pousser les instances à modifier la règle du plaquage.
C’est un événement incontournable de la première décennie du 21ème siècle. Emmenés par Brian O’Driscoll, les Lions Britanniques et Irlandais partent en tournée en Nouvelle-Zélande avec en point d’orgue trois tests matches face aux mythiques All Blacks. Les meilleurs joueurs de l’Hémisphère Nord contre la meilleure équipe de l’Hémisphère Sud. Pendant toute la semaine avant le premier test, la tension est montée crescendo. Face au All Blacks d’Umaga, de McCaw et de Carter, les Lions veulent sortir le grand jeu. En réponse au haka, ils se positionnent sur la largeur du terrain derrière leur capitaine Brian O’Driscoll. Le ton est donné.
Le coup d’envoi vient juste d’être tapé par Dan Carter quand survient l’incident qui va faire entrer cette tournée dans l’histoire de notre sport. Quarante secondes de jeu, les All Blacks sont à l’attaque. O’Driscoll tente de faire la loi dans un regroupement, mais Umaga et Mealamu en décident autrement. Ils le soulèvent avant de le faire lourdement basculer vers le sol. Si les images ne permettent pas de se rendre compte de la violence du choc, le diagnostique est sans appel. L’épaule est luxée, cinq mois d’arrêt. Le capitaine Brian O’Driscoll quitte ses partenaires après moins d’une minute dans le premier test. Pas encore conscient de la dangerosité du professionnalisme, le rugby permet encore ce genre de gestes en 2005. Umaga et Mealamu s’en sortent sans être sanctionnés ni pendant la rencontre, ni par la suite.
Le « speargate »
Furieux d’avoir perdu leur capitaine si tôt et de l’absence de sanction, les Lions organisent une conférence de presse pour dénoncer cette expédition punitive sur l’irlandais. Photos, vidéos tout est fait pour mettre en exergue le geste des néo-zélandais. Dans les îles britanniques, le scandale prend une immense ampleur. Les critiques se concentrent sur Tana Umaga accusé d’avoir visé volontairement O’Driscoll et de ne pas avoir pris de ses nouvelles à l’issue de la rencontre. Des supporters viennent même assister à un entrainement des All Blacks avec une banderole qualifiant le geste d’Umaga de délibéré et de honteux. : Cette affaire prend tellement d’envergure qu’elle a droit à son propre nom : le Speargate en référence au plaquage cathédrale nommé « Spear tackle » outre-Manche. Une semaine plus tard, la tension au Westpac Stadium de Wellington est palpable. Le 2ème test match commence par un haka intense couvert par les chants des supporters britanniques et irlandais venus en nombre.
Passablement énervés par la mise en scène de cet incident, les néo-zélandais sont revanchards. Ils encaissent rapidement un essai par Gareth Thomas avant de revenir grâce au pied de Carter puis de passer devant sur un essai d’Umaga qui venait d’être servi après une course de 60 mètres de son ouvreur. Chez les All Blacks depuis un an, Dan Carter réalise ce jour-là, l’une, si ce n’est, la plus grande performance individuelle de tous les temps avec 33 points marqués au cours de la partie. Cette victoire écrasante 48 à 18 offrent alors le gain de la série des tests matches aux All Blacks. Du côté des instances, ce plaquage cathédrale éveille les consciences. La proportion prise par cette affaire pousse l’IRB à mener des réflexions puis à revoir ses règlements pour finalement interdire ces gestes.
Umaga traite O’Driscoll de pleurnichard
Malgré la fin de cette tournée l’animosité entre ces deux hommes, connus pour leur classe sur et en dehors du terrain, aura eu la vie longue. Quelques années après l’incident, Tana Umaga taxera même son homologue irlandais de « pleurnichard » dans une autobiographie. Ce n’est qu’en 2018, soit treize années plus tard, qu’ils se retrouvent alors qu’ils s’apprêtent à faire la promotion de la plus célèbre marque de bière brune. Avant cette opération commerciale, ils décident de tout mettre à plat lors d’un diner afin de se réconcilier. L’objectif est atteint, ces deux légendes sont désormais en très bons termes.